Desertec se réunit au Maroc. La BEI encense l’expérience de la centrale
solaire de Ouerzazate. « Le Maroc avance ». Pendant ce temps, les hésitations
algériennes désorientent ses partenaires européens. Et exaspère Tewfik
Hasni, grand plaidoyer du solaire concentré. Pendant ce temps, les parts
de marché de gaz naturel de Sonatrach en Europe sont en danger.
Le moment d’un virage stratégique qui ne vient pas.
Le gros potentiel en éolien de
sa façade atlantique réduit la comparaison
avec l’Algérie sur ce plan.
Le Maroc second producteur d’électricité
éolienne en Afrique produisait
280 mégawatts à fin 2009. L’Algérie
démarre son parc éolien. Mais
voilà que c’est sur le terrain du solaire,
domaine où l’Algérie détient
un potentiel hors pair, que le Maroc
est en train d’accroître son
avance depuis un an. Sa première
centrale solaire hybride fonctionne
à Ain Beni Mather depuis novembre
dernier, le projet d’une centrale
solaire géante de 500 mégawatts
à Ouerzazate, même s’il
pourrait être redimensionné, tient
une partie de ses financements. A
côté, le ministère de l’Energie algérien
a encore reporté la semaine
dernière l’inauguration de la première
centrale solaire hybride de
Hassi R’mel pourtant livrée, par
l’Espagnol Abener, depuis avril dernier.
Le lancement des appels d’offres
pour la réalisation de deux
autres centrales hybrides de solaire
concentré (CSP) à Nâama et El
Oued, a pris une année de retard.
Les partenaires européens ne s’y
trompent d’ailleurs pas : Desertec,
l’initiative la plus ambitieuse dans
le renouvelable, a tenu son premier
conseil d’administration au Maroc
en mai dernier, en faisant potentiellement
le pays pivot du projet
au Maghreb. Le vice-président de
la Banque européenne de l’investissement
(BEI), De Fontaine Vive
Curtaz, annonçait lors d’une conférence
de presse pour la présentation,
début juin, du bilan 2010
de la Facilité euro-méditerranéenne
d’investissement et de partenariat
(FEMIP), « le plan solaire méditerranéen
est l’un des projets prioritaires
de l’Union pour la Méditerranée
(UPM). Ce projet avance principalement au Maroc ». En théorie
les plans des deux pays dans
l’énergie renouvelable s’équivalent.
42% d’électricité d’origine verte en
2020 pour le Maroc, 40% pour l’Algérie
à la même échéance, depuis
le plan exposé par Youcef Yousfi
début janvier dernier. Dans les
faits, il y a un gap dans les mises
en oeuvre. Les autorités marocaines
ont démarré leur programme
CSP – énergie solaire concentré –
après celui de l’Algérie, mais avec
une feuille de route scrupuleuse.
Leur acteur dans ce domaine Moroccan
Agence for solar energy
(Masen), né en juillet 2010, huit
ans après Neal, l’acteur algérien du
renouvelable, a mis en oeuvre le
projet de la méga-centrale de Ouerzazate
aussitôt après sa mise en
place. Masen a réussi à mobiliser
une partie des financements ce dont
témoigne De Fontaine Vive : « il y a
une coopération étroite entre la BEI,
l’Agence française de développement
et la Banque mondiale pour
la réalisation de ce projet. Nous
sommes tous aux côtés des autorités
marocaines parce que c’est un
succès qui sera dans l’intérêt de
tous ». L’Algérie continue de refuser
un financement de 160 millions de
dollars à taux quasi nul du programme
de la Banque mondiale
pour les énergies renouvelable. Son
plan d’action veut faire de Sonelgaz,
le nouveau acteur principal
du solaire et du photovoltaïque la
filière industrielle dominante. Une
valse-hésitation qui tranche avec
l’avancée marocaine.
« UNE RÉPONSE DE
L’ALGÉRIE QUE L’EUROPE
ATTEND MAINTENANT »
Tewfik Hasni, ancien vice-président
à Sonatrach et président
co-fondateur, en 2002, de
New Energy Algeria (Neal), est le
spécialiste partisan de l’énergie solaire,
le plus excédé par les atermoiements
algériens. « L’enjeu n’est
pas tant que le Maroc avance plus
vite. C’est toujours une bonne chose
du point de vue de l’intégration
énergétique maghrébine. L’enjeu est
que l’Europe attend maintenant et
non pas demain, un positionnement
clair de l’Algérie dans son statut de
fournisseur à redéfinir. Allons-nous
continuez à vendre du gaz naturel
matière première pour générer de
l’électricité en Europe ? » Tewfik
Hasni estime que cette stratégie est
en train d’approcher à grands pas
de ses limites. Gazprom et les
autres fournisseurs sont en train de
grignoter les parts de marché de Sonatrach
sur le marché du gaz en Europe.
Et la tendance sera extrêmement
difficile à renverser compte
tenu de la réalité des réserves prouvées.
L’autre option est une anticipation
stratégique : « Nous devons
utiliser nos deux atouts stratégiques,
le gaz naturel et l’emprise au
sol pour annoncer à nos partenaires
que nous serons toujours un
fournisseur majeur d’énergie. Ce
sera de l’électricité solaire. Ce signal,
ils l’attendent maintenant ». A
Alger personne ne semble le comprendre
ainsi. Pour Tewfik Hasni,
l’hybridation du solaire avec le gaz
naturel est la transition la plus solide
économiquement en attendant
la poursuite de la baisse des coûts
des champs solaires du CSP. « Il y a
quinze jours, une information a filtré
dans un colloque spécialisé selon
laquelle le projet de Ouerzazate
serait obligé de s’en tenir à 100 mégawatts
au lieu des 500 annoncés
car les banques n’ont pas suivi pour
un financement de 9 milliards de
dollars à la rentabilité encore sujette
à caution » Avec la combinaison
gaz-solaire, le risque financier
est maîtrisé. Conséquence, le Maroc
cherche à acheter plus de
quantités de gaz naturel à l’Algérie
pour soutenir un programme
solaire ambitieux où l’hybridation
avec le gaz naturel sera, comme à
la centrale d’Ain Beni Mather, plus
souvent utilisée dans les premières
années. L’Algérie peut aider
le Maroc à devenir un grand acteur
de l’électricité verte et en
profiter en retour dans les voies
de sortie du transport d’électricité
solaire algérienne vers l’Europe.
Youcef Yousfi, ministre algérien
de l’Energie et des Mines, a lancé
son programme du renouvelable au
début de l’année et s’en est allé à
d’autres soucis domestiques.
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Source : Le Quotidien d'Oran